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Les droits du locataire en cas de vente aux enchères



La question des droits du locataire en cas de vente aux enchères publiques de l’appartement qu’il occupe est au cœur des préoccupations de nombreux investisseurs. A juste titre.

Le principe : le jugement d’adjudication vaut titre d’expulsion à l’encontre du saisi

Le code des procédures civiles d’exécution est, à ce sujet, absolument limpide. Tout d’abord, son article L. 322-13 dispose que : « Le jugement d'adjudication constitue un titre d'expulsion à l'encontre du saisi. » Ensuite et surtout, son article R. 322-64 ajoute que : «Sauf si le cahier des conditions de vente prévoit le maintien dans les lieux du débiteur saisi, l'adjudicataire peut mettre à exécution le titre d'expulsion dont il dispose à l'encontre du saisi et de tout occupant de son chef n'ayant aucun droit qui lui soit opposable à compter du versement du prix ou de sa consignation et du paiement des frais taxés. »

La manière dont est rédigée ce texte laisse à entendre que si le cahier des conditions de vente prévoit le maintien dans les lieux du débiteur saisi, alors l’adjudicataire ne pourra pas engager de procédure d’expulsion contre le débiteur saisi mais également contre tout occupant de son chef. Cette extension, qui ressemble davantage à une erreur de plume, constitue toutefois un cas d’école puisqu’en pratique, le cahier des conditions de vente ne prévoit quasiment jamais le maintien dans les lieux du débiteur saisi.

En effet, la présence d’un occupant dans les lieux a généralement pour effet de diminuer la valeur marchande d’un immeuble qui sera vendu aux enchères. Prévoir le maintien du débiteur dans les lieux reviendrait donc, pour le créancier poursuivant, à réduire le prix de vente de l’immeuble aux enchères, alors que c’est sur ce prix qu’il compte se rembourser. C’est pourquoi, hormis cette petite anomalie, le texte semble prévoir de façon tout à fait claire que le jugement d’adjudication vaut titre d’expulsion contre le débiteur saisi, mais également contre tout occupant de son chef, c’est-à-dire notamment contre tout locataire. C’est vrai, sous une réserve toutefois.

L’indisponibilité du bien résultant de la signification du commandement de payer valant saisie et l’opposabilité du bail

Le texte ajoute que le locataire ne doit disposer d’aucun droit opposable à l’adjudicataire pour être expulsable : « Sauf si le cahier des conditions de vente prévoit le maintien dans les lieux du débiteur saisi, l'adjudicataire peut mettre à exécution le titre d'expulsion dont il dispose à l'encontre du saisi et de tout occupant de son chef n'ayant aucun droit qui lui soit opposable à compter du versement du prix ou de sa consignation et du paiement des frais taxés. »

Qu’est-ce qu’un droit opposable ?

La réponse se trouve au 6° de l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution. Cet article, qui énumère les mentions que devra comporter le commandement de payer valant saisie immobilière, nous apporte la précision suivante : « Outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte : (…) 6° L'indication que le commandement vaut saisie de l'immeuble et que le bien est indisponible à l'égard du débiteur à compter de la signification de l'acte et à l'égard des tiers à compter de la publication de celui-ci au fichier immobilier ; » La notion d’indisponibilité du bien signifie que le débiteur saisi ne pourra pas disposer de son bien, c’est-à-dire qu’il ne pourra réaliser aucun acte de disposition comme par exemple vendre, donner, ou encore… conclure un bail.

Ainsi, le bail conclu avant la délivrance du commandement de payer valant saisie est valable puisqu’à cette date, l’immeuble n’est pas encore devenu indisponible. En revache, le bail conclu postérieurement à sa délivrance sera irrégulier puisque conclu en fraude des droits du créancier poursuivant. En pratique, les choses ne sont pas aussi simples et la cour de cassation a apporté une précision capitale.

Le bail porté à la connaissance de l’adjudicataire avant l’audience de vente

Par une décision du 9 juin 2016, la 3e chambre civile de la cour de cassation (n° 15-10.595) a, en effet, décidé que : « Attendu que, pour rejeter la demande en annulation du commandement, l'arrêt retient que le commandement de saisie immobilière a été délivré le 6 octobre 2009 et publié le 1er décembre 2009, que le bail commercial a été consenti par M. Y... le 17 juin 2011 à la société Z en cours de formation dont il est associé et gérant, que l'adjudication a été définitivement prononcée par arrêt du 10 octobre 2012, que le bail est donc inopposable aux consorts X... et que l'absence de mention de la société Z n'altère en rien la validité du commandement de quitter les lieux ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les adjudicataires n'avaient pas eu connaissance de l'existence du bail avant l'adjudication, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; »

Par cette décision, la 3e chambre civile réitère une solution qui prévalait avant la réforme de la procédure de saisie immobilière de 2006 et qui résultait d’une décision du 23 mars 2011 (n° 10-10.804). La 3e chambre civile maintient ainsi que si l’adjudicataire a eu connaissance de l’existence du bail avant de se porter acquéreur, alors ce bail lui est opposable même s’il a été conclu postérieurement à la délivrance du commandement de payer valant saisie.

Cette solution, qui semble parfaitement contraire aux textes, est extrêmement protectrice des intérêts du locataire. Elle permet toutefois de dresser le panorama suivant :

  • Soit le bail a été conclu antérieurement à la délivrance du commandement de payer valant saisie et il est toujours opposable à l’adjudicataire,
  • Soit le bail a été conclu postérieurement à sa délivrance et il a été porté à la connaissance du public avant l’audience d’adjudication, auquel cas il est opposable à l’adjudicataire,
  • Soit le bail a été conclu postérieurement à sa délivrance mais il n’a pas été porté à la connaissance du public avant l’audience d’adjudication. Dans ce cas il n’est pas opposable à l’adjudicataire.
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