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La saisie-contrefaçon : l'arme juridique méconnue pour protéger vos droits de propriété intellectuelle



Vous suspectez une contrefaçon de votre marque, brevet ou œuvre protégée ? La saisie-contrefaçon constitue souvent la première étape décisive pour rassembler des preuves irréfutables. Cette procédure, à la fois technique et redoutable, nécessite une connaissance approfondie du droit de la propriété intellectuelle.

Qu'est-ce que la saisie-contrefaçon ?

La saisie-contrefaçon est une mesure d'instruction effectuée à titre probatoire, visant spécifiquement à obtenir la preuve d'une contrefaçon. Comme l'indique l'article L.332-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), elle permet au titulaire de droits d'obtenir, sur simple requête, une ordonnance autorisant un huissier à pénétrer dans les locaux d'un présumé contrefacteur pour y constater l'infraction et recueillir des preuves.

Son caractère exorbitant du droit commun en fait un outil particulièrement efficace. L'absence de débat contradictoire, gage d'efficacité, permet d'éviter que le contrefacteur ne fasse disparaître les preuves avant l'intervention.

Contrairement à une idée répandue, la saisie-contrefaçon n'est pas obligatoire pour agir en contrefaçon. Le Code de la propriété intellectuelle prévoit que la preuve peut être rapportée par tous moyens (article L.615-5 pour les brevets, article L.716-4-7 pour les marques, etc.).

Qui peut demander une saisie-contrefaçon ?

La qualité pour agir est strictement encadrée par les textes. Peuvent initier cette procédure :

  • Le propriétaire du titre de propriété intellectuelle
  • Le licencié exclusif, sous certaines conditions
  • Dans certains cas, le licencié non exclusif avec l'accord du propriétaire

Pour les brevets, l'article L.615-2 du CPI précise que le titulaire d'une licence obligatoire ou d'une licence d'office peut agir en contrefaçon si, après mise en demeure, le propriétaire n'exerce pas cette action.

Attention ! Pour les co-auteurs d'une œuvre de collaboration, un régime de solidarité s'applique. Selon la jurisprudence constante, comme l'a rappelé la Cour de cassation (Civ. 1re, 10 mai 1995), il existe une règle d'unanimité obligeant à mettre en cause l'ensemble des coauteurs.

La requête : première étape cruciale

La procédure débute par la présentation d'une requête au président du tribunal judiciaire compétent. Cette requête doit contenir :

  • L'identification précise du requérant
  • Le titre de propriété intellectuelle invoqué
  • La description sommaire des atteintes alléguées
  • L'identification des personnes ou lieux visés

Le décret n°2009-1204 du 9 octobre 2009 a modifié la compétence territoriale en matière de propriété intellectuelle. Pour les brevets, seul le tribunal judiciaire de Paris est compétent (article D.211-6 du Code de l'organisation judiciaire). Pour les marques, dessins et modèles, la compétence est répartie entre dix tribunaux judiciaires spécialisés.

Un avocat doit obligatoirement présenter cette requête (article 846 du Code de procédure civile).

L'exécution de la saisie : moment de vérité

Une fois l'ordonnance obtenue, l'huissier de justice procède à la saisie, généralement assisté d'experts techniques.

Contrairement aux apparences, l'huissier n'a pas toute latitude. Il doit respecter scrupuleusement les termes de l'ordonnance. La Cour de cassation a clairement établi le principe d'interprétation stricte de l'autorisation (Com. 29 septembre 2009, n°08-20.486).

La jurisprudence sanctionne sévèrement les dépassements de mission. Dans un arrêt retentissant, la Cour de cassation a jugé que l'huissier ne pouvait pas produire aux personnes présentes des objets qu'il avait apportés pour recueillir leurs déclarations (Com. 7 juillet 2009, n°08-18.598).

L'huissier peut réaliser deux types de saisie :

  • La saisie descriptive : simple description des éléments contrefaisants
  • La saisie réelle : appréhension matérielle des objets suspectés

Élément souvent négligé : la signification préalable de l'ordonnance au saisi. La Cour de cassation affirme que "le respect du principe de la contradiction requiert que copie de la requête et de l'ordonnance soit remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne" (Civ. 2e, 10 février 2011).

Le défi de la confidentialité et du secret des affaires

La saisie-contrefaçon peut heurter le respect de la confidentialité. Mais comme l'a jugé le TGI de Lyon (24 novembre 1988), cette confidentialité ne saurait faire obstacle à une saisie-contrefaçon.

La loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires a précisé que ce secret n'est pas opposable lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est autorisée par l'exercice des pouvoirs d'autorisation des autorités juridictionnelles (article L.151-7 du Code de commerce).

Stratégie recommandée : demander la mise sous scellés des éléments confidentiels et solliciter la désignation d'un expert pour déterminer les pièces réellement utiles à l'administration de la preuve.

L'obligation d'agir au fond : un impératif absolu

Point essentiel : après la saisie, vous devez obligatoirement engager une action au fond dans un délai strict fixé par l'article R.615-3 du CPI : "vingt jours ouvrables ou trente-et-un jours civils si ce délai est plus long, à compter du jour où est intervenue la saisie ou la description".

Le non-respect de ce délai entraîne la nullité de la saisie, comme l'a jugé la Cour de cassation (Com. 3 juin 2003, n°01-14.214) : "le défaut d'action au fond dans le délai prescrit entraîne la nullité de la saisie sur seul constat de l'absence d'assignation ou du non-respect du délai, sans que le saisi n'ait à prouver l'existence d'un grief".

Cette nullité peut être catastrophique pour votre stratégie contentieuse.

Les voies de recours : armes défensives du saisi

Si vous êtes victime d'une saisie-contrefaçon, plusieurs recours s'offrent à vous :

  1. Le référé-rétractation (articles 496 et 497 du Code de procédure civile)
  2. La demande de mainlevée ou de cantonnement (article L.332-2 du CPI)
  3. La contestation devant le juge du fond

La Cour de cassation a précisé que le moyen de nullité d'une saisie-contrefaçon ne constitue pas une exception de procédure et n'a donc pas à être soulevé avant toute défense au fond (Com. 19 janvier 2010, n°08-18.732).

Le saisi peut également demander des dommages-intérêts en cas de saisie abusive. Dans une affaire marquante, 20 000 € de dommages-intérêts ont été accordés au saisi lorsque l'huissier avait porté au procès-verbal des indications sur les clients alors qu'il devait tenir secrètes les pièces comptables (TGI Paris, 7 janvier 2009).

Quand consulter un avocat spécialisé ?

L'intervention d'un avocat s'avère indispensable dans plusieurs situations :

  • Pour rédiger la requête initiale (obligation légale)
  • Pour anticiper les arguments de défense du saisi
  • Pour respecter scrupuleusement les délais d'action au fond
  • Pour contester une saisie dont vous êtes victime

L'expertise d'un avocat permet d'éviter les erreurs procédurales susceptibles d'anéantir votre action. Un procès-verbal annulé peut compromettre irrémédiablement vos chances de succès.

La complexité technique et les évolutions jurisprudentielles constantes rendent téméraire toute tentative d'agir sans conseil juridique. L'annulation d'une saisie-contrefaçon peut signifier la perte de preuves déterminantes et parfois irremplaçables.

La protection de vos droits de propriété intellectuelle constitue un enjeu économique majeur. Un accompagnement juridique adapté permet de transformer la saisie-contrefaçon en véritable levier stratégique pour la défense de vos actifs immatériels les plus précieux. N'hésitez pas à nous contacter pour évaluer ensemble la meilleure stratégie à adopter pour protéger vos créations.

Sources

  • Code de la propriété intellectuelle, articles L.332-1 à L.332-4, L.521-4, L.615-5, L.623-27-1, L.716-4-7, L.722-4
  • Code de procédure civile, articles 494 à 498, 846
  • Code de l'organisation judiciaire, articles D.211-6 et D.211-6-1
  • Loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires
  • Décret n°2009-1204 du 9 octobre 2009 relatif à la spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle
  • Cour de cassation, Com. 29 septembre 2009, n°08-20.486
  • Cour de cassation, Com. 7 juillet 2009, n°08-18.598
  • Cour de cassation, Com. 3 juin 2003, n°01-14.214
  • Cour de cassation, Civ. 2e, 10 février 2011, n°10-13.894
  • Cour de cassation, Civ. 1re, 10 mai 1995, D. 1996. 114
  • TGI Paris, 7 janvier 2009, RG n°08/00116
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