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Secret bancaire : quand les banques peuvent (ou doivent) parler



Déjà agacé par votre banquier qui refuse de vous communiquer le verso d'un chèque encaissé par votre débiteur ? Ou peut-être inquiet que votre établissement financier partage vos données avec d'autres entités sans votre consentement ? Le secret bancaire, cette protection légale essentielle mais méconnue, mérite qu'on s'y attarde tant ses implications sont importantes dans notre vie quotidienne.

Depuis sa consécration législative en 1984, le secret bancaire a considérablement évolué. Entre impératifs de protection de la vie privée et nécessités de la lutte contre la criminalité financière, ce principe fondamental du droit bancaire a vu ses contours redessinés à plusieurs reprises.

Fondements et portée du secret bancaire

Le secret bancaire constitue une obligation légale pour tous les membres du personnel bancaire, quel que soit leur niveau hiérarchique. L'article L. 511-33 du Code monétaire et financier dispose que "tout membre d'un conseil d'administration et, selon le cas, d'un conseil de surveillance et toute personne qui à un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d'un établissement de crédit, d'une société de financement ou d'un organisme [...] ou qui est employée par l'un de ceux-ci est tenu au secret professionnel".

Cette obligation répond à deux objectifs principaux :

  • Protéger les intérêts privés des clients (particuliers et entreprises)
  • Préserver la confiance dans le système bancaire, essentielle à son bon fonctionnement

Sa violation n'est pas anodine : elle expose le contrevenant à une peine d'emprisonnement d'un an et 15 000 € d'amende (article 226-13 du Code pénal), sans compter les dommages et intérêts que pourrait réclamer la victime de l'indiscrétion.

Mais quelles informations sont réellement couvertes par ce secret ?

Les informations protégées par le secret bancaire

Toutes les informations confidentielles reçues par la banque dans le cadre de son activité professionnelle sont couvertes par le secret. Il s'agit notamment :

  • Du solde des comptes
  • Des opérations effectuées (virements, retraits, dépôts...)
  • De l'existence même des comptes
  • Des emprunts contractés et de leurs conditions
  • Des placements financiers
  • De la situation financière du client

La jurisprudence s'est montrée particulièrement rigoureuse concernant le verso des chèques. Dans un arrêt de principe du 13 juin 1995, la Cour de cassation a jugé que le verso d'un chèque est couvert par le secret bancaire, même vis-à-vis de l'émetteur du chèque (Cass. com., 13 juin 1995, Cts Naveaux c/ Sté générale). Cette position a été confirmée par la suite, notamment par un arrêt du 8 juillet 2003 (Soc. Générale c/ Montaurier).

Attention cependant : les banques peuvent légitimement fournir des "renseignements commerciaux" d'ordre général sur la solvabilité d'un client, ce que la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 18 septembre 2007.

Les nombreuses exceptions légales au secret bancaire

Le législateur a prévu de nombreux cas où le secret bancaire peut, voire doit, être levé. Ces dérogations n'ont cessé de s'accumuler au fil des ans, au point qu'un auteur a pu parler du secret bancaire comme d'un "secret de Polichinelle" (F. Labrunie, Banque Stratégie n° 196, 2002).

Les autorités judiciaires et administratives

Le secret bancaire ne peut être opposé à :

  • L'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale
  • L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)
  • La Banque de France
  • Les commissions d'enquête parlementaires
  • L'administration fiscale
  • TRACFIN dans le cadre de la lutte contre le blanchiment
  • L'Autorité des marchés financiers (AMF)
  • La Cour des comptes

La jurisprudence distingue toutefois clairement les procédures pénales des procédures civiles. Si dans le cadre pénal le secret bancaire ne peut être opposé, il reste en principe opposable au juge civil, sauf exceptions prévues par la loi.

En matière fiscale notamment, l'administration dispose d'un droit de communication très large. Selon l'article L. 83 du Livre des procédures fiscales, les établissements bancaires "doivent communiquer à l'administration sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel".

FATCA et l'échange automatique d'informations

Une évolution majeure est venue de l'international avec le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) américain adopté en 2010, qui a contraint les établissements financiers étrangers à communiquer à l'administration fiscale américaine des informations sur leurs clients américains.

Cette législation a inspiré l'OCDE et l'Union européenne qui ont développé leurs propres normes d'échange automatique d'informations fiscales. L'article 1649 AC du Code général des impôts oblige désormais les institutions financières françaises à transmettre automatiquement certaines informations relatives aux comptes financiers de non-résidents à l'administration fiscale française, qui les transmet ensuite aux administrations fiscales étrangères concernées.

Le partage d'informations depuis la loi de modernisation de l'économie de 2008

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a considérablement assoupli le régime du secret bancaire en permettant aux établissements de crédit de partager des informations confidentielles sans l'accord de leurs clients dans sept cas précis :

  1. Opérations de crédit effectuées par un ou plusieurs établissements
  2. Opérations sur instruments financiers destinées à la couverture d'un risque de crédit
  3. Prises de participation ou de contrôle dans un établissement de crédit
  4. Cessions d'actifs ou de fonds de commerce
  5. Cessions ou transferts de créances ou de contrats
  6. Contrats de prestations de services pour des fonctions opérationnelles importantes
  7. Étude ou élaboration de contrats entre entités d'un même groupe

Cette réforme a facilité les opérations de syndication bancaire, de titrisation ou d'externalisation, qui nécessitent le partage d'informations entre différents acteurs financiers.

En dehors de ces sept cas, la communication d'informations confidentielles reste soumise au consentement "exprès" du client, donné "au cas par cas". Ce consentement doit être libre et éclairé, comme l'a rappelé le Conseil d'État dans un arrêt du 30 décembre 2009 (Sté Experian).

Le lanceur d'alerte et le secret bancaire

Un tournant récent dans la conception du secret bancaire concerne les lanceurs d'alerte. La loi du 21 mars 2022 visant à améliorer leur protection a modifié l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier pour harmoniser le régime des signalements dans le secteur bancaire avec le régime général de l'alerte prévu par la loi "Sapin 2" du 9 décembre 2016.

Cette modification permet aux employés d'établissements financiers de signaler, sous certaines conditions, des manquements à la réglementation sans craindre de violer le secret professionnel.

Quand engager un avocat spécialisé ?

La complexité croissante du cadre juridique entourant le secret bancaire peut rendre nécessaire le recours à un avocat dans plusieurs situations :

  • Pour les particuliers souhaitant obtenir des informations couvertes par le secret bancaire auxquelles ils estiment avoir droit
  • Pour les banques devant déterminer si elles peuvent légitimement partager certaines informations
  • Lors de litiges concernant une prétendue violation du secret bancaire
  • Pour les entreprises négociant des opérations financières impliquant un partage d'informations confidentielles
  • Pour les personnes concernées par un échange transfrontalier d'informations bancaires
  • Pour évaluer si une clause de "levée du secret bancaire" dans un contrat bancaire est valide

Les enjeux peuvent être considérables, tant en termes financiers qu'en termes d'image ou de responsabilité pénale. L'intervention d'un professionnel du droit bancaire permet souvent d'éviter des erreurs coûteuses et de sécuriser juridiquement les démarches entreprises.

Dans l'affaire que vient de nous soumettre un client, la banque avait refusé de fournir des documents concernant un virement international significatif, invoquant le secret bancaire. Grâce à une analyse approfondie du cadre légal et de la jurisprudence applicable, notre équipe a pu démontrer que cette information relevait des exceptions prévues par l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier, permettant ainsi de débloquer une situation qui paralysait l'activité de l'entreprise depuis plusieurs semaines.

Vous rencontrez une difficulté similaire ou souhaitez vous assurer du respect de vos droits dans une démarche auprès d'un établissement bancaire ? N'hésitez pas à prendre contact avec notre cabinet pour une analyse personnalisée de votre situation.

Sources

  • Code monétaire et financier, article L. 511-33
  • Code pénal, article 226-13
  • Cass. com., 13 juin 1995, Cts Naveaux c/ Sté générale
  • Cass. com., 8 juillet 2003, Soc. Générale c/ Montaurier
  • Cass. com., 18 septembre 2007, n° 06-10.633
  • Conseil d'État, 30 décembre 2009, n° 306173, Sté Experian
  • Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie
  • Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
  • J. Lasserre Capdeville, "Le secret bancaire en 2009 : un principe en voie de disparition ?", AJ Pénal 2009
  • Haut Comité juridique de la place financière de Paris, Rapport sur le secret bancaire, 6 juillet 2020
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