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Les sûretés immobilières : classement et efficacité après la réforme du 15 septembre 2021



Quand un crédit immobilier est octroyé, la banque veut s'assurer d'être remboursée, même si l'emprunteur connaît des difficultés financières. La garantie fournie est au cœur d'enjeux juridiques considérables. La réforme des sûretés opérée par l'ordonnance du 15 septembre 2021 a profondément modifié le paysage juridique des garanties immobilières. Comment s'y retrouver dans ce maquis juridique complexe?

Une histoire mouvementée

Le droit des sûretés immobilières a connu plusieurs bouleversements législatifs. L'ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 avait créé le Livre IV du Code civil dédié aux sûretés, divisant les sûretés réelles selon leur assiette mobilière ou immobilière. L'ordonnance du 30 janvier 2009 avait ajouté la possibilité de retenir ou céder la propriété immobilière en garantie.

La dernière réforme en date, l'ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, a considérablement modifié la matière en transformant notamment les privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales.

Les principales sûretés immobilières

L'article 2375 du Code civil énumère quatre types de sûretés immobilières :

  • Les privilèges immobiliers
  • Le gage immobilier
  • Les hypothèques
  • La propriété retenue ou cédée à titre de garantie

L'hypothèque : la sûreté immobilière par excellence

L'hypothèque est de loin la sûreté immobilière la plus importante en pratique. Comme le précise l'article 2385 du Code civil, elle constitue un droit réel immobilier accessoire à une créance garantie, sans dépossession du constituant.

L'hypothèque peut être :

  • Conventionnelle : librement constituée par acte notarié (article 2409 du Code civil)
  • Légale : résultant directement de la loi pour protéger certaines catégories de créanciers
  • Judiciaire : constituée à titre conservatoire (article 2408 du Code civil)

La réforme de 2021 a transformé les anciens privilèges immobiliers spéciaux (vendeur, prêteur de deniers, copartageant...) en hypothèques légales spéciales (article 2402 du Code civil).

L'hypothèque confère au créancier deux prérogatives essentielles :

  1. Un droit de préférence lui permettant d'être payé avant d'autres créanciers
  2. Un droit de suite lui permettant de saisir le bien même s'il a été vendu par le débiteur

Les privilèges immobiliers : désormais tous généraux

Depuis l'ordonnance du 15 septembre 2021, tous les privilèges immobiliers sont généraux. L'article 2377 du Code civil n'en mentionne plus que deux :

  • Le privilège des frais de justice
  • Le privilège des salaires et rémunérations assimilées

Leur particularité est d'être dispensés de publicité foncière (article 2376 du Code civil) tout en primant les hypothèques. Toutefois, ils ne s'exercent sur les immeubles qu'à défaut de mobilier suffisant - c'est ce qu'on appelle le principe de subsidiarité.

Le gage immobilier : une sûreté désuète

Le gage immobilier (anciennement antichrèse) est défini par l'article 2379 du Code civil comme "l'affectation d'un immeuble en garantie d'une obligation avec dépossession de celui qui la constitue".

Cette sûreté, impliquant la dépossession du débiteur, est rarement utilisée en pratique. Le créancier gagiste doit assumer l'exploitation et l'entretien de l'immeuble dont il a la possession (article 2381 du Code civil), ce qui explique en partie sa désuétude.

La propriété-sûreté : un mécanisme en développement

La propriété retenue ou cédée à titre de garantie a été consacrée par l'ordonnance du 30 janvier 2009. Elle peut prendre plusieurs formes :

  • La clause de réserve de propriété dans les promesses de vente
  • Le crédit-bail immobilier
  • La fiducie-sûreté, introduite par la loi du 19 février 2007

Cette sûreté présente un avantage considérable : elle est "hors concours" en cas de procédure collective, comme le reconnaît expressément l'article L.643-8 du Code de commerce.

Le classement des sûretés immobilières

La multiplicité des sûretés pose naturellement la question de leur hiérarchie en cas de concours entre créanciers.

Le classement en droit civil

En l'absence de procédure collective, les sûretés immobilières peuvent être classées comme suit :

  1. Les droits exclusifs (propriété-sûreté, droit de rétention)
  2. Les privilèges immobiliers généraux
  3. Les hypothèques et gages immobiliers, selon l'ordre de leur publication

Il existe quelques exceptions notables :

  • L'hypothèque légale du syndicat de copropriété, dispensée de publication (article 2418 al. 2 du Code civil)
  • L'hypothèque rechargeable qui conserve son rang d'origine pour les créances inscrites par voie de rechargement (article 2420 du Code civil)

Le classement en procédure collective

En cas de procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), le classement est profondément modifié. L'article L.643-8 du Code de commerce, issu de l'ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021, établit un ordre de paiement précis.

Sans surprise, le droit de propriété et le droit de rétention demeurent "hors concours". Viennent ensuite, notamment :

  1. Le superprivilège des salariés
  2. Les frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture
  3. Les créances garanties par le privilège de conciliation
  4. Les créances garanties par des sûretés immobilières (classées entre elles selon le droit civil)

Cette hiérarchie témoigne de la volonté du législateur de favoriser certaines créances jugées dignes de protection et celles qui ont contribué au sauvetage de l'entreprise.

L'efficacité des sûretés immobilières

L'efficacité d'une sûreté s'apprécie à l'aune de la protection qu'elle offre au créancier.

Les sûretés préférentielles vs les sûretés exclusives

Une distinction fondamentale oppose :

  • Les sûretés préférentielles, qui confèrent un simple droit de préférence (hypothèques, privilèges)
  • Les sûretés exclusives, qui confèrent un droit exclusif sur le bien (propriété-sûreté)

L'avantage des sûretés exclusives est évident : elles placent leur bénéficiaire hors concours, lui permettant d'échapper à la loi du dividende en cas de procédure collective.

L'attribution en propriété

L'ordonnance de 2021 a généralisé la possibilité pour le créancier de demander l'attribution judiciaire du bien. Cette prérogative est désormais ouverte au titulaire d'une hypothèque (article 2451 du Code civil) et au créancier gagiste (article 2380 du Code civil).

Ce mécanisme permet au créancier d'éviter la procédure de saisie immobilière, souvent longue et coûteuse.

Le pacte commissoire

Le pacte commissoire, par lequel les parties conviennent que le créancier deviendra propriétaire du bien en cas de défaillance du débiteur, est également admis en matière immobilière.

Toutefois, conformément à l'article L.622-7 du Code de commerce, ce pacte est paralysé pendant la période d'observation d'une procédure collective, ce qui en limite l'efficacité.

Conseils pratiques pour sécuriser vos créances immobilières

La pratique montre qu'il existe de grandes différences d'efficacité entre les sûretés. Voici quelques recommandations pour optimiser la protection d'une créance immobilière :

  1. Privilégier, quand c'est possible, les mécanismes de propriété-sûreté (crédit-bail immobilier, fiducie-sûreté)
  2. Pour l'hypothèque conventionnelle, prévoir un pacte commissoire et une clause d'attribution judiciaire
  3. Ne pas négliger la publication rapide des sûretés soumises à cette formalité
  4. Dans certains cas, combiner plusieurs sûretés (hypothèque + cautionnement par exemple)

À l'évidence, le choix de la sûreté adaptée nécessite une analyse fine de chaque situation. Un contrat mal rédigé ou une sûreté mal choisie peuvent s'avérer catastrophiques en cas de défaillance du débiteur. Nos avocats spécialistes du droit des sûretés peuvent vous accompagner dans cette démarche pour sécuriser vos transactions immobilières.

Sources

  • Code civil, articles 2373 à 2488-12
  • Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés
  • Ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés
  • Code de commerce, article L.643-8
  • Simler, P. (2023), Sûretés sur les immeubles - Présentation générale et classement, JurisClasseur Droit bancaire et financier, Fasc. 767
  • Simler, P. (2023), Privilèges immobiliers, JurisClasseur Droit bancaire et financier, Fasc. 768
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