Se porter caution pour un proche ou un partenaire commercial paraît souvent simple sur le papier. On signe quelques documents, on permet à quelqu'un d'obtenir un prêt, et dans l'idéal, on n'entend plus jamais parler de cet engagement. Mais la réalité peut s'avérer bien plus complexe et risquée.
Qu'est-ce que le cautionnement personnel ?
Le cautionnement est défini à l'article 2288 du Code civil comme "le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci."
Cette définition, apparemment limpide, cache plusieurs subtilités juridiques importantes :
- Le cautionnement crée un contrat entre la caution et le créancier (pas avec le débiteur)
- La caution devient un débiteur supplémentaire, mais accessoire
- Le débiteur principal reste tenu de sa dette
Concrètement, quand vous vous portez caution, vous acceptez de payer si l'emprunteur ne le fait pas. Et c'est précisément là que réside le danger : beaucoup signent ce type d'engagement sans mesurer les conséquences potentielles.
Les caractéristiques essentielles du cautionnement
Le caractère accessoire : une protection fondamentale
La caractéristique la plus importante du cautionnement est son caractère accessoire. Comme le précise l'article 2313 du Code civil, l'extinction de l'obligation principale entraîne l'extinction du cautionnement.
Ce principe signifie que :
- Si la dette principale est nulle, le cautionnement l'est aussi
- Si le débiteur principal paie sa dette, la caution est libérée
- La caution peut opposer au créancier les exceptions que pourrait invoquer le débiteur
Cette règle constitue une protection majeure pour la caution. Si on vous réclame le paiement d'une dette que le débiteur principal a déjà réglée, vous pouvez refuser de payer en invoquant l'extinction de l'obligation principale.
Un engagement unilatéral mais entouré d'obligations
Malgré son caractère unilatéral (seule la caution s'engage), le cautionnement est désormais entouré de nombreuses obligations pour le créancier, notamment :
- Le devoir de mise en garde
- L'obligation d'information annuelle
- L'information en cas d'incident de paiement
Ces obligations, prévues par les articles 2299 à 2304 du Code civil depuis l'ordonnance du 15 septembre 2021, sont essentielles pour protéger la caution. Leur non-respect entraîne des sanctions qui peuvent vous permettre d'échapper partiellement à votre engagement.
Les différentes formes de cautionnement
Le cautionnement n'est pas un bloc monolithique. Plusieurs variantes existent, avec des conséquences juridiques différentes.
Cautionnement simple vs cautionnement solidaire
Dans le cautionnement simple, la caution bénéficie du "bénéfice de discussion" (article 2305 du Code civil), qui lui permet d'exiger que le créancier poursuive d'abord le débiteur principal.
Dans le cautionnement solidaire, beaucoup plus fréquent en pratique, ce bénéfice disparaît. Le créancier peut directement s'adresser à la caution sans avoir à poursuivre d'abord le débiteur principal.
Un exemple concret : Julie se porte caution solidaire pour le prêt immobilier de son fils. Si celui-ci cesse de payer, la banque peut immédiatement réclamer les mensualités à Julie, sans même tenter de saisir les biens de son fils.
Cautionnement civil ou commercial
La distinction entre cautionnement civil et commercial peut sembler technique, mais elle a des implications pratiques importantes.
L'ordonnance du 15 septembre 2021 a clarifié cette distinction en introduisant un nouveau critère : la commercialité par accessoire. L'article L. 110-1, 11° du Code de commerce dispose désormais que "la loi répute acte de commerce les cautionnements de dettes commerciales."
Cette modification législative simplifie considérablement la situation en alignant la nature du cautionnement sur celle de la dette principale, mais elle présente aussi un inconvénient : elle attire dans le champ commercial des cautions qui n'y ont jamais mis les pieds.
Formation du cautionnement : attention aux pièges
La formation du cautionnement est encadrée par des règles strictes, surtout depuis la réforme de 2021.
Un consentement soigneusement encadré
L'article 2294 du Code civil exige que le cautionnement soit exprès, ce qui signifie qu'on ne devient pas caution par hasard ou par une simple présence lors de la signature d'un contrat.
Les personnes qui se portent caution doivent également être informées des risques. L'article 2299 du Code civil impose au créancier professionnel un devoir de mise en garde lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté à ses capacités financières.
Si le créancier manque à cette obligation, il est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice qu'elle subit.
Un nouveau formalisme généralisé
Depuis l'ordonnance du 15 septembre 2021, l'article 2297 du Code civil impose un formalisme strict pour tous les cautionnements conclus par une personne physique.
La caution doit apposer elle-même une mention indiquant :
- Qu'elle s'engage en qualité de caution
- Le montant en principal et accessoires, exprimé en toutes lettres et en chiffres
- Sa renonciation aux bénéfices de discussion ou de division, le cas échéant
Ce formalisme, autrefois limité à certains types de cautionnements (baux d'habitation, crédits à la consommation...), est désormais généralisé. Le non-respect de ces règles entraîne la nullité du cautionnement.
L'exécution du cautionnement : des protections nouvelles
Une fois le cautionnement conclu, la caution n'est pas livrée à elle-même.
L'information imposée au créancier
Le créancier doit informer la caution :
- Annuellement, avant le 31 mars, du montant de la dette au 31 décembre (article 2302 du Code civil)
- En cas d'incident de paiement non régularisé dans le mois suivant l'exigibilité (article 2303 du Code civil)
Ces obligations, sanctionnées par la déchéance des intérêts échus pendant la période concernée, permettent à la caution de ne pas être prise au dépourvu par l'évolution de la dette.
La proportionnalité de l'engagement
L'article 2300 du Code civil prévoit désormais que si l'engagement de la caution était manifestement disproportionné à ses revenus et à son patrimoine lors de sa conclusion, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager.
Cette règle remplace l'ancien système qui prévoyait une déchéance totale, parfois trop sévère pour le créancier.
Les recours de la caution après paiement
La caution qui a payé n'est pas sans recours. Elle dispose de deux actions principales :
Le recours personnel contre le débiteur
L'article 2308 du Code civil permet à la caution de récupérer auprès du débiteur principal non seulement les sommes payées au créancier, mais aussi les intérêts et les frais, voire des dommages et intérêts.
Ce recours a l'avantage de permettre une indemnisation complète, mais l'inconvénient d'être chirographaire (sans garantie particulière).
Le recours subrogatoire
Par l'effet de la subrogation prévue à l'article 2309 du Code civil, la caution qui a payé bénéficie de tous les droits et actions dont disposait le créancier, y compris les sûretés dont il bénéficiait.
Ce recours est particulièrement utile lorsque le créancier disposait de garanties (hypothèques, gages, etc.) ou lorsque d'autres cautions existent.
Je me souviens d'un dossier où un dirigeant avait cautionné la dette de sa société. Après avoir payé à la place de celle-ci, il a pu, grâce au recours subrogatoire, récupérer une partie de sa créance en exerçant l'hypothèque dont bénéficiait initialement la banque.
L'extinction du cautionnement : connaître ses droits
Le cautionnement peut s'éteindre par voie accessoire (lorsque l'obligation principale disparaît) ou par voie principale (indépendamment de l'obligation principale).
L'extinction par voie accessoire
Conformément à l'article 2313 du Code civil, la caution est libérée lorsque l'obligation principale s'éteint, que ce soit par paiement, remise de dette, compensation, confusion, prescription ou encore novation.
Cette règle connaît toutefois quelques exceptions, notamment en matière de procédures collectives, où certaines remises de dette imposées au créancier ne profitent pas automatiquement à la caution.
Le bénéfice de subrogation : une protection méconnue
L'article 2314 du Code civil prévoit que "Lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en faveur de la caution, celle-ci est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit."
Concrètement, si le créancier laisse dépérir une garantie (hypothèque non renouvelée, gage restitué...), la caution peut être partiellement libérée.
Ce mécanisme, d'ordre public depuis 1984, constitue une protection majeure mais souvent méconnue des cautions. Dans un dossier récent, une caution a obtenu une décharge partielle car la banque n'avait pas renouvelé l'inscription d'hypothèque sur l'immeuble du débiteur principal.
Un cas particulier : le cautionnement donné par un époux
Pour les personnes mariées sous un régime de communauté, l'article 1415 du Code civil introduit une protection particulière : "Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement [...], à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres."
En l'absence de consentement du conjoint, les biens communs sont donc préservés. La jurisprudence a étendu cette règle à tous les régimes de communauté, y compris la communauté universelle.
Le problème se complique lors d'un divorce. L'article 1387-1 du Code civil permet alors au juge de faire supporter la charge exclusive des dettes professionnelles au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel.
Sources
- Code civil, articles 2288 à 2320 (dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021)
- Code de commerce, article L. 110-1, 11° (dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021)
- Cour de cassation, chambre mixte, 17 novembre 2006, n° 04-19.123 (sur le bénéfice de subrogation)
- Cour de cassation, chambre commerciale, 8 novembre 2005, n° 01-12.896 (sur les effets de la fusion sur le cautionnement)
- Cour de cassation, chambre commerciale, 15 novembre 2017, n° 16-10.504 (sur l'appréciation de la proportionnalité)
Vous envisagez de vous porter caution ou vous êtes déjà engagé dans un cautionnement qui pose problème ? Le droit du cautionnement s'est considérablement complexifié avec la réforme de 2021, mais il offre aussi de nombreuses protections nouvelles. Notre cabinet d'avocats vous accompagne dans l'analyse de votre situation particulière et la mise en œuvre des stratégies juridiques adaptées à votre cas. N'hésitez pas à nous contacter pour un premier rendez-vous d'évaluation de votre dossier.
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