Lorsqu'une procédure judiciaire s'engage, les notions de domicile, demeure et résidence prennent une importance capitale. Ces concepts juridiques, bien que proches dans le langage courant, recouvrent des réalités distinctes et entraînent des conséquences juridiques spécifiques.
Les différences essentielles entre domicile, demeure et résidence
Le domicile : une notion juridique abstraite
Le domicile, défini à l'article 102 du Code civil, est le lieu où une personne a "son principal établissement". Cette notion se caractérise par sa relative rigidité.
Contrairement aux idées reçues, le domicile peut être fictif. Il constitue un rattachement géographique d'une personne à un lieu au regard de la loi, indépendamment de sa présence effective. C'est pourquoi certains auteurs le qualifient de "port d'attache" juridique.
La résidence : une notion concrète et factuelle
La résidence désigne le lieu où une personne demeure effectivement, d'une façon assez stable. Il s'agit d'une notion concrète qui se distingue du domicile par son caractère factuel.
Une personne peut avoir plusieurs résidences (principale et secondaires) mais n'a qu'un seul domicile au sens juridique.
La demeure : une notion englobante en procédure civile
La demeure est une notion introduite par le Code de procédure civile. L'article 43 précise que "le lieu où demeure le défendeur s'entend : s'il s'agit d'une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence".
Cette notion englobe donc à la fois le domicile et la résidence, avec une hiérarchie claire : le domicile prime sur la résidence, qui n'est prise en compte qu'à défaut de domicile identifié.
L'importance de ces notions en procédure civile
Pour déterminer la juridiction compétente
Le principe fondamental en procédure civile est posé par l'article 42 du Code de procédure civile : "la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur".
Ce principe, résumé par l'adage latin "Actor sequitur forum rei" (le demandeur suit le tribunal du défendeur), détermine quelle juridiction pourra connaître du litige.
Des complications surviennent en cas de :
- Pluralité de demeures
- Pluralité de défendeurs
- Absence de demeure connue
Plusieurs exceptions existent également :
- Actions relatives aux immeubles : compétence exclusive du tribunal du lieu de l'immeuble
- Successions : tribunal du dernier domicile du défunt
- Procédures collectives : tribunal du siège social
Pour les mentions obligatoires des actes de procédure
Les actes de procédure (assignations, requêtes, déclarations) doivent mentionner, à peine de nullité, le domicile des parties. Cette exigence permet d'identifier précisément les personnes concernées par la procédure.
Exemple : l'article 648 du Code de procédure civile impose que tout acte d'huissier indique le domicile du requérant et celui du destinataire.
Pour la notification des actes
Le lieu où sera notifié un acte de procédure dépend également de ces notions. L'article 689 du Code de procédure civile précise que "les notifications sont faites au lieu où demeure le destinataire s'il s'agit d'une personne physique".
La hiérarchisation des modes de signification (à personne, à domicile, en étude d'huissier) vise à garantir l'information effective du destinataire.
Applications pratiques et situations complexes
Domiciles spéciaux
Certaines personnes se voient assigner un domicile légal :
- L'enfant mineur non émancipé est domicilié chez ses parents (article 108-2 du Code civil)
- Le majeur en tutelle est domicilié chez son tuteur (article 108-3 du Code civil)
- Les personnes exerçant des fonctions irrévocables (juges, officiers ministériels) ont un domicile de fonction
Élection de domicile
L'élection de domicile permet de désigner conventionnellement un domicile pour l'exécution d'un acte. En procédure, cela se traduit notamment par l'élection de domicile chez l'avocat lorsque sa constitution est obligatoire.
L'article 111 du Code civil précise que "les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte pourront être faites au domicile convenu".
Cas particuliers en droit de la famille
Le juge aux affaires familiales territorialement compétent est, selon l'article 1070 du Code de procédure civile :
- Le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille
- Si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs
Cette règle spécifique démontre l'adaptation des critères de compétence aux situations familiales.
Conséquences pratiques des erreurs dans les notifications
L'erreur sur le domicile dans un acte de procédure peut entraîner sa nullité. Toutefois, cette nullité est soumise à la démonstration d'un grief.
Exemple : une Cour d'appel a jugé qu'une signification à domicile diligentée dans une résidence secondaire inoccupée, sans boîte aux lettres et d'un accès difficile, ne satisfait pas aux exigences légales (Civ. 2e, 7 novembre 1994).
De même, la signification à domicile n'est possible qu'après que l'huissier a tenté, sans succès, de signifier à personne. Ces diligences doivent être relatées dans l'acte, à peine de nullité.
Ces règles techniques de notification, dont dépend la validité des procédures, nécessitent la connaissance précise des lieux de résidence et de domicile.
Nos avocats spécialistes en procédure peuvent vous accompagner dans toutes vos démarches judiciaires, afin d'éviter ces écueils techniques qui pourraient compromettre vos chances de succès. N'hésitez pas à prendre contact avec notre cabinet pour un examen approfondi de votre situation.
Sources
- Code civil, articles 102 à 111 relatifs au domicile
- Code de procédure civile, articles 42 à 48 sur la compétence territoriale
- Code de procédure civile, articles 654 à 659 sur les modalités de signification
- Civ. 2e, 7 novembre 1994, n° 93-10.203, Bull. civ. II, n° 227
- Civ. 2e, 14 juin 2001, n° 99-16.582, Bull. civ. II, n° 117
- Civ. 1re, 6 décembre 1988, n° 87-13.884, Bull. civ. I, n° 345
- CARBONNIER, Droit civil : Introduction – Les personnes – La famille, l'enfant, le couple, 2004, PUF, n° 243