Quand la facture d'honoraires arrive, beaucoup se demandent si elle est justifiée. La contestation des honoraires d'avocats obéit à des règles précises que peu connaissent.
La fixation des honoraires : principes fondamentaux
Les honoraires d'avocats sont régis par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Ce texte pose un principe clair : les honoraires sont fixés librement entre l'avocat et son client.
Depuis la loi du 6 août 2015, une convention d'honoraires écrite est obligatoire, sauf en cas d'urgence ou d'aide juridictionnelle. Cette convention doit préciser le mode de calcul des honoraires et les frais envisagés.
L'honoraire se détermine selon plusieurs critères :
- La situation financière du client
- La complexité de l'affaire
- Les frais engagés
- La notoriété de l'avocat
- Les diligences accomplies
Un principe demeure intangible : l'honoraire ne peut être fixé uniquement en fonction du résultat judiciaire. En revanche, un honoraire complémentaire de résultat est possible, comme le précise l'arrêt de la 2e chambre civile du 17 février 2011 (n° 09-72.492).
La procédure de contestation des honoraires
Une compétence exclusive du bâtonnier
Le législateur a prévu une procédure spécifique pour contester les honoraires d'un avocat. L'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 confie cette compétence exclusive au bâtonnier de l'Ordre des avocats.
Attention, cette procédure ne concerne que le montant et le recouvrement des honoraires. La Cour de cassation rappelle régulièrement que la détermination du débiteur des honoraires échappe à cette procédure (Civ. 2e, 28 mars 2013, n° 12-17.493).
Saisine du bâtonnier
La saisine du bâtonnier se fait par lettre recommandée avec accusé de réception ou par remise contre récépissé au secrétaire de l'Ordre. Cette formalité est impérative comme l'a rappelé la Cour de cassation (Civ. 2e, 17 mars 2005, n° 02-16.427).
Un point important : l'avocat ne peut saisir le bâtonnier avant que son client n'ait contesté sa note d'honoraires. Le simple non-paiement ne suffit pas à justifier la saisine (Civ. 2e, 7 octobre 2010, n° 09-69.054).
Le bâtonnier dispose d'un délai de quatre mois, éventuellement prorogeable, pour statuer. L'instruction se déroule de façon contradictoire : le bâtonnier recueille les observations des deux parties.
La décision du bâtonnier
La décision du bâtonnier est notifiée dans les quinze jours par lettre recommandée avec avis de réception. Sans recours, elle devient définitive et peut être rendue exécutoire par le président du tribunal judiciaire.
Mais attention : cette décision n'emporte pas exécution provisoire automatique (Civ. 1re, 9 avril 2002, n° 99-19.761). De plus, même devenue irrévocable, elle doit être rendue exécutoire par le président du tribunal judiciaire pour permettre une exécution forcée (Civ. 2e, 27 mai 2021, n° 17-11.220).
Le recours contre la décision du bâtonnier
Délai et forme du recours
Un recours peut être formé devant le premier président de la cour d'appel dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier.
Ce recours doit être adressé directement au premier président de la cour d'appel, soit par lettre recommandée, soit par déclaration au greffe. Une saisine adressée au bâtonnier ou à une autre juridiction serait irrecevable (Civ. 1re, 23 novembre 1999, n° 97-16.464 et Civ. 2e, 8 juin 2023, n° 21-23.684).
Procédure devant le premier président
La procédure est orale sans représentation obligatoire. Le premier président entend contradictoirement les parties convoquées par lettre recommandée au moins huit jours avant l'audience.
En cas d'absence d'une partie régulièrement convoquée, la jurisprudence distingue plusieurs situations :
- Si le demandeur est absent sans motif légitime, le défendeur peut demander un jugement contradictoire
- Si le défendeur est absent, le premier président ne peut que confirmer la décision déférée (Civ. 2e, 19 novembre 2015, n° 14-11.350)
Le premier président dispose d'une plénitude de juridiction. Il doit trancher la contestation au fond et ne peut renvoyer les parties devant le bâtonnier.
Le recours incident
Longtemps controversée, la possibilité de former un recours incident lors de la procédure est désormais admise. La Cour de cassation a clairement établi que "le recours incident peut être formé en tout état de cause conformément à l'article 550 du code de procédure civile, même à l'audience, la procédure étant orale" (Civ. 2e, 17 février 2011, n° 09-13.209).
Les limites de la procédure de contestation
L'impossibilité d'examiner la responsabilité de l'avocat
Un principe fondamental limite les pouvoirs du bâtonnier et du premier président : ils ne peuvent, même à titre incident, statuer sur la responsabilité de l'avocat.
La jurisprudence est constante : "s'il entre dans les pouvoirs du bâtonnier, et sur recours, du premier président, saisis d'une demande de fixation des honoraires, de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l'avocat, ils ne sauraient, sans excéder leurs pouvoirs, connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'une faute professionnelle" (Civ. 2e, 16 juillet 2020, n° 19-18.145).
Il est toutefois possible de réduire les honoraires en constatant l'inutilité manifeste de certaines diligences (Civ. 2e, 12 janvier 2017, n° 16-10.083), mais pas en jugeant qu'elles étaient juridiquement inadaptées (Civ. 2e, 8 octobre 2020, n° 19-21.705).
Conseils pratiques
La contestation des honoraires d'avocats requiert une démarche rigoureuse. Quelques recommandations :
- Examinez d'abord votre convention d'honoraires. Elle fixe le cadre de la relation.
- Adressez une réclamation écrite à votre avocat avant toute saisine du bâtonnier.
- Respectez scrupuleusement les formalités de saisine et les délais, sous peine d'irrecevabilité.
- Préparez un dossier documenté justifiant votre contestation.
- N'invoquez pas la responsabilité professionnelle de l'avocat dans cette procédure spécifique.
Le cabinet reste disponible pour examiner votre situation et vous conseiller sur la marche à suivre pour contester des honoraires que vous estimeriez injustifiés. Un avis juridique préalable permet souvent d'éviter des démarches vouées à l'échec.
Sources
- Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, article 10
- Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, articles 174 à 179
- Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, article 51
- Civ. 2e, 28 mars 2013, n° 12-17.493, Bull. civ. II, n° 67
- Civ. 2e, 7 octobre 2010, n° 09-69.054
- Civ. 2e, 17 mars 2005, n° 02-16.427, Bull. civ. II, n° 70
- Civ. 1re, 9 avril 2002, n° 99-19.761, Bull. civ. I, n° 113
- Civ. 2e, 27 mai 2021, n° 17-11.220
- Civ. 2e, 17 février 2011, n° 09-13.209, Bull. civ. II, n° 42
- Civ. 2e, 16 juillet 2020, n° 19-18.145
- Civ. 2e, 8 juin 2023, n° 21-23.684