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Défenses au fond, exceptions et fins de non-recevoir : les armes du plaideur



La procédure civile ressemble à un jeu d'échecs où chaque coup compte. Lorsqu'un adversaire vous assigne en justice, vous disposez de plusieurs moyens de défense, chacun avec ses règles et ses conséquences. Comment s'y retrouver entre défenses au fond, fins de non-recevoir et exceptions de procédure ? Quelles sont les subtilités à maîtriser pour ne pas commettre d'erreur fatale ?

Définitions et distinctions essentielles

Le triptyque des moyens de défense

Le code de procédure civile distingue trois catégories de moyens de défense :

  • La défense au fond : elle vise à contester directement le droit invoqué par l'adversaire (article 71 du CPC).
  • La fin de non-recevoir : elle tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond (article 122 du CPC).
  • L'exception de procédure : elle cherche à faire déclarer la procédure irrégulière ou à en suspendre le cours (article 73 du CPC).

Cette distinction n'est pas qu'académique. Elle détermine le régime applicable à chaque moyen, notamment quand le présenter et quelles en sont les conséquences.

La défense au fond : l'attaque frontale

La défense au fond constitue une attaque directe contre la prétention adverse. Elle conteste le fond du droit et conduit, si elle réussit, au rejet définitif de la demande.

Exemple : dans une action en responsabilité, contester l'existence du préjudice ou nier le lien de causalité.

La fin de non-recevoir : l'obstacle à l'action

La fin de non-recevoir ne s'attaque pas au bien-fondé de la demande mais au droit d'agir lui-même. L'article 122 du CPC cite plusieurs exemples : défaut de qualité, défaut d'intérêt, prescription, délai préfix, chose jugée.

C'est un moyen redoutable : si elle est accueillie, la fin de non-recevoir empêche l'examen du fond et peut avoir un effet définitif.

L'exception de procédure : contester la forme

L'exception s'attaque à la régularité de la procédure. Elle englobe :

  • L'exception d'incompétence
  • L'exception de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Contrairement aux deux autres moyens, l'exception n'a généralement qu'un effet provisoire : elle retarde l'examen du fond sans l'empêcher définitivement.

Régime juridique : quand et comment les utiliser

Moment de présentation

Une erreur courante consiste à présenter les moyens dans le mauvais ordre. La règle est la suivante :

  • Les exceptions doivent être soulevées avant toute défense au fond et toute fin de non-recevoir, et simultanément (article 74 du CPC).
  • Les défenses au fond et les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause (articles 72 et 123 du CPC).

Attention aux nuances : certaines exceptions (comme celle de nullité pour vice de fond ou la connexité) peuvent être soulevées en tout état de cause, dérogeant ainsi au principe.

Qui peut les soulever ?

Le plaideur

Toute partie ayant intérêt peut invoquer un moyen de défense. Particularité notable : même l'adversaire peut invoquer une exception de nullité fondée sur un vice de fond, contrairement au droit commun où seule la personne protégée par la règle méconnue peut s'en prévaloir.

Le juge

Le régime varie selon les moyens :

  • Défense au fond : le juge doit la relever d'office si le défendeur n'en invoque aucune ou si des faits appellent l'application d'une règle d'ordre public.
  • Fin de non-recevoir : le juge doit relever d'office celles d'ordre public (comme les délais de recours) et peut relever d'office le défaut d'intérêt, de qualité et la chose jugée.
  • Exception : le régime est variable selon l'exception concernée.

Les pièges à éviter

La régularisation

Attention au mécanisme de régularisation qui peut neutraliser un moyen de défense. Pour être efficace, la régularisation doit généralement intervenir :

  • Avant que le juge ne statue
  • Parfois avant toute forclusion

La réforme de la prescription de 2008 a modifié certaines règles. Désormais, l'article 2241 du code civil maintient l'effet interruptif de la demande en justice même si l'acte est annulé pour vice de procédure.

Le cas particulier des "fins de non-recevoir en l'état"

Certaines fins de non-recevoir n'ont qu'un caractère provisoire. Par exemple, si l'intérêt à agir fait défaut mais peut apparaître plus tard, ou si une formalité préalable n'a pas été accomplie.

L'impact sur la prescription

Les moyens de défense ont des effets différents sur l'interruption de prescription :

  • Une défense au fond qui triomphe rend l'interruption non avenue (article 2243 du code civil)
  • L'exception d'incompétence ou de nullité maintient l'interruption (article 2241, alinéa 2 du code civil)
  • Pour les fins de non-recevoir, l'interruption est généralement non avenue

Stratégie procédurale : choisir le bon moyen

Le choix du moyen est stratégique car les conséquences diffèrent :

  • La défense au fond conduit à un jugement sur le fond, susceptible d'acquérir l'autorité de la chose jugée.
  • La fin de non-recevoir évite l'examen du fond mais peut être définitive.
  • L'exception retarde l'examen sans l'empêcher définitivement.

Un avocat expérimenté saura identifier le moyen le plus approprié selon le contexte et les objectifs du client.

Dans une affaire de recouvrement de créance, par exemple, une exception d'incompétence pourrait être préférable à une défense au fond si la juridiction saisie est manifestement incompétente et que la juridiction compétente est plus favorable au défendeur.

Les évolutions récentes

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a modifié certaines règles, notamment en étendant la compétence du juge de la mise en état aux fins de non-recevoir.

Le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a simplifié le régime des exceptions d'incompétence en unifiant les voies de recours.

Ces réformes visent à rationaliser la procédure tout en préservant les droits de la défense.

L'avocat reste indispensable pour naviguer dans ces subtilités procédurales. Un moyen mal choisi ou présenté trop tard peut entraîner des conséquences irrémédiables pour le justiciable.

Sources

  • Articles 71 à 126 du code de procédure civile
  • Articles 2241 à 2243 du code civil
  • Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 relatif à la procédure civile
  • Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence
  • Civ. 2e, 15 avr. 2021, n° 19-20.416, Bull. civ., p. 193
  • Cass., ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672, Bull. ass. plén., n° 8
  • Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, Bull. ch. mixte, n° 1
  • Cass., avis, 11 oct. 2022, n° 22-70.010, Bull. civ. avis, p. 394

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