En contentieux judiciaire, l'appel en garantie constitue un outil procédural puissant mais complexe. Ce mécanisme permet d'impliquer un tiers qui pourrait être tenu de garantir une obligation. Les implications pratiques sont considérables, tant pour le justiciable que pour son conseil.
Qu'est-ce que l'appel en garantie?
L'appel en garantie est une forme d'intervention forcée. Il s'agit d'une demande incidente permettant à une partie de contraindre un tiers à participer à l'instance en cours. Ce mécanisme vise à rendre opposable au garant la décision qui sera rendue entre les parties originaires.
Selon l'article 334 du Code de procédure civile, la garantie peut être simple ou formelle : "La garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou comme détenteur d'un bien".
Le mécanisme présente deux modalités principales :
- La garantie à titre principal : action autonome exercée directement contre le garant
- La garantie à titre incident : formée dans le cadre d'une instance déjà engagée
Ne pas confondre ces notions avec l'action directe en matière d'assurance, qui permet à la victime d'agir directement contre l'assureur du responsable (art. L.124-3 du Code des assurances).
Les conditions de recevabilité
L'appel en garantie, comme toute intervention forcée, doit répondre à plusieurs conditions.
En première instance
La demande incidente doit présenter un lien suffisant avec les prétentions originaires, conformément aux articles 4 et 70 du Code de procédure civile. Ce lien peut être établi par:
- L'accessoire (procédant de la même cause)
- La connexité (lien étroit entre les demandes)
Cette condition n'est pas d'ordre public. Le juge ne peut soulever d'office l'absence de lien suffisant (Soc. 23 novembre 1995, n°92-14.887).
En appel
Les conditions sont plus strictes. L'article 555 du Code de procédure civile exige que "l'évolution du litige implique [la] mise en cause" du tiers.
L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé que cette évolution "n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige" (Ass. plén., 11 mars 2005, n°03-20.484).
Aspects procéduraux essentiels
Compétence judiciaire
L'article 333 du Code de procédure civile prévoit une prorogation légale de compétence territoriale. Le tiers appelé en garantie ne peut décliner la compétence territoriale du tribunal saisi.
En revanche, les règles de compétence matérielle s'appliquent normalement. Un tribunal de commerce ne peut connaître d'un appel en garantie contre une personne relevant de la compétence du tribunal judiciaire.
Procédure applicable
L'appel en garantie doit être formé par acte extrajudiciaire, généralement une assignation (art. 68 CPC). Simple conclusions ne suffisent pas.
Le tiers appelé doit disposer d'un temps utile pour préparer sa défense (art. 331 al. 3 CPC). La jurisprudence considère qu'un délai de trois mois entre l'assignation et la clôture est suffisant.
Selon l'article 109 du Code de procédure civile, le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant (exception dilatoire).
Effets juridiques selon le type de garantie
Garantie simple
Dans ce cas, le demandeur en garantie reste partie principale (art. 335 CPC). Aucun lien juridique ne se crée entre le demandeur principal et le garant.
Cette absence de lien entraîne des conséquences sur les voies de recours. La Cour de cassation a évolué sur ce point, admettant qu'un garant puisse former un appel contre le jugement qui a condamné son ayant-cause (Civ. 1re, 21 juin 2005, n°02-18.631).
Garantie formelle
Le demandeur à la garantie formelle peut demander que le garant lui soit substitué comme partie principale (art. 336 CPC). Il sera alors mis hors de cause.
Cette substitution reste imparfaite :
- Le garanti reste tenu de la condamnation (art. 337 CPC)
- Les dépens peuvent être mis à sa charge en cas d'insolvabilité du garant (art. 338 CPC)
L'appel en garantie en matière d'assurance
L'assurance offre un terrain d'application privilégié pour l'appel en garantie. Un assuré peut appeler son assureur en garantie des sommes auxquelles il pourrait être condamné.
Un aspect intéressant : la recevabilité de l'action en garantie d'un responsable contre l'assureur d'un autre responsable n'est pas subordonnée à la mise en cause de l'assuré (Civ. 3e, 1er février 2024, n°22-21.025).
Par ailleurs, l'assureur qui ne notifie pas sa décision sur la garantie dans les 60 jours de la déclaration ne peut plus contester le principe de sa garantie (Civ. 3e, 8 décembre 2021, n°20-23.284).
Quand consulter un avocat?
La mise en œuvre d'un appel en garantie soulève de nombreuses questions techniques :
- Timing procédural - L'appel en garantie étant assimilé à une défense au fond, il rend irrecevable toute exception de procédure ultérieure.
- Stratégie contentieuse - Un appel en garantie tardif peut compromettre les droits du garant et fragiliser la procédure.
- Implications sur l'autorité de chose jugée - Le mécanisme vise précisément à rendre opposable la décision au garant.
- Articulation avec les actions principales - L'appel en garantie s'inscrit dans une stratégie globale qu'il convient d'élaborer avec soin.
Un avocat spécialiste du contentieux évaluera l'opportunité d'agir par voie d'appel en garantie ou privilégiera une action principale distincte selon les circonstances. Ces choix stratégiques conditionnent souvent l'issue du litige.
Notre cabinet accompagne régulièrement des entreprises et particuliers dans la mise en œuvre de cette procédure complexe. N'hésitez pas à nous contacter pour une analyse personnalisée de votre situation.
Sources
- Articles 4, 66, 68, 70, 74, 109, 325, 326, 331 à 338, 529, 552, 554, 555 du Code de procédure civile
- Article L.124-3 du Code des assurances
- Cass., ass. plén., 11 mars 2005, n°03-20.484
- Civ. 1re, 21 juin 2005, n°02-18.631
- Civ. 3e, 1er février 2024, n°22-21.025
- Civ. 3e, 8 décembre 2021, n°20-23.284
- Soc. 23 novembre 1995, n°92-14.887
- Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019